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Affichage des articles associés au libellé Chronique littéraire

Un titre magnifique

Vivre fatigue — Jean-Claude Izzo — Librio 2€ 208 02/1998 imp 01/2016 Des nouvelles brèves mais intenses. À déguster lentement pour en apprécier l'amertume. Un goût complexe et long en bouche, contrepoint subtil de la courte douceur du bonheur. Avec une ville ensoleillée, des alcools parfumés, une brise salée et des crânes rasés, empoisonnés par des théories aussi fumeuses que mortifères.

La course de l'oursin, le soir, au-dessous des jonques...

 Autobiographie d'un poulpe — Vinciane Despret Actes Sud 04/2021 Amusant. Les murs en merde cubique de wombats sont-ils des créations littéraires ? Des combats contre l'oubli ? Troublant. Les écrits vains sont-ils le produit de la métempsychose de marsupiaux australiens ? Oscillation sans cesse rebondissante entre gag surréaliste et recherche décalée enfin débarrassée d'un anthropomorphisme aussi pesant qu'omniprésent. Décodage ou des conneries, là est la question. À chaque lecteur sa traduction du leurre à l'encre de seiche assurément d'une poésie aussi zoologique que logique. Pour ma part ma conversion est faite, au poulpe je crois. Extrait : Le biologiste du début du siècle du XXe siècle Jakob von Uexküll disait que, lorsqu'un chien court, il meut ses pattes alors que, lorsqu'un oursin court, ses pattes le meuvent. (page 91)

Ethno polar perdu dans les sables mouvants du permafrost

 LËD — Caryl Férey — Les Arènes 01/2021 À chier. Putassier et convenu. L'ethno-polar en état de décomposition avancée. Férey a-t-il trop pressé le citron ou l'atmosphère gelée lui a figé les neurones ? Chi lo sa ? Les cartes postales de Sibérie avec des clichés usés, ressassés, ossifiés, congelés et sans goût sonnent le glas du genre. Il est temps de jeter le moule, il ne produit plus que des bouses. Extrait : Norilsk était une ville vortex, un poison psychique qui aspirait le cerveau des hommes échoués là, vous ramenait larves dans l’œuf, en fusion au cœur d’un noyau perdu.[...l'auteur en a pris une bonne dose, ceci explique cela !]

L'écologie sera radicale ou ne sera pas

 Piégés dans le Yellowstone — C.J. Box — Seuil 10/2013 Un raid dans le wild avec un flic alcoolique et relaps et une caricature de républicain aussi ridicule que reaganien. Un thriller trop compliqué et trop sanglant. Mais les touristes servent de nourriture à la faune locale, — un bon touriste est un touriste mort —, et le magot est recyclé par les mulots. Écologie radicale réjouissante. Les assassins périssent ou pourrissent dans un cul de basse fosse. Et les gamins agaçants mais touchants repartiront vers le soleil couchant, la bannière étoilé claquant au vent. Fermez le ban. Extraits : Tout est devenu beaucoup plus sauvage et plus dangereux que par le passé. La population de grizzlis a bigrement augmenté et rien n'est fait pour la réduire. Et le retour des loups a complètement changé l'écosystème. J'ai entendu des vieux de la vieille comparer ça à la réintroduction des gangs de rue dans les centres-villes, là où ils avaient disparu depuis longtemps. (page 319) — Permets

Fin de partie en Zoldavie ?

 Train perdu wagon mort — Jean-Bernard Pouy — Points 03/2008 Pouy nous entraîne dans un wagon-lit à destination de la Zoldavie sur des rails étranges dans une réalité parallèle, un trou noir à train. Dix-huit pékins perdus dans la plaine zoldave. Et bien sûr, les portables ne passent pas, mais les heures passent, l'inquiétude croît et les fulmènes(1) puent. Dans le wagon isolé, immobile, démarre un roman noir oppressant, un cauchemar de questions sans réponses. Des morts mystérieuses, un rapport secret, un espion, une rousse sexy et rock'n roll, des avions en rase-mottes, des tracteurs soviétique convertis en locomotive feront avancer le récit et augmenteront la tension. Guerre, pandémie, manipulation, toutes les options restent ouvertes. Cette longue nouvelle rudement bien menée fait écho à notre siècle où s'accumoncèlent  les inquiétudes et les questions et que nous quitterons sans réponse. Du bon Pouy, sombre, ironique et philosophique qui nous abandonne dans une partie

Rambo perd la boussole

Chasse à l'homme — Jean-Bernard Pouy & Patrick Raynal — Mille et une nuits 03/2000   Un cadavre exquis et sulfureux de deux pros du polar. Une course de relais, – 2000 signes chacun –, pour nous amener à l'inattendu. La traque et la trique. Mais ne dévoilons pas le traquenard des deux compères malicieux et irrespectueux. L'entourloupe littéraire laissera deux soldats au tas et libérera deux gars qui poseront le barda. Une nouvelle déboussolée du duo doué à retirer gaiement d'urgence.   Extraits :  – Il faut qu'il parle, Casanova. C'est tout ce que vous avez à savoir. – Vous me rappelez mon premier sergent. Vous savez ce qu'il disait ? – Chercher à comprendre, c'est commencer à désobéir. C'est ça, hein ? On a eu le même, Casanova. On a tous eu le même. (page 9)   Une balle dans la nuque et tout serait réglé. La conscience, après tout, n'est pas fournie aux flics avec le barda. (page 39)

Rêves de moutons clonés et pucés.

 Des larmes sous la pluie — Rosa Montero — Métailié 01/2013 Nous sommes tous des réplicants. Bizarre, unique et pourtant étrangement semblable. Les mêmes peurs nous habitent, les mêmes craintes nous hantent, les mêmes doutes nous fissurent, et, blessés, le même sang coule toujours rouge. Sans doute le prix à payer pour la conscience aiguë du monde. Et seuls les pauvres d'esprit connaîtront la paix et la sérénité. Merci à Montero d'avoir créer cette magnifique sœur combattante pour partager notre intranquillité. Extraits : La vie était une saloperie de maladie qui finissait par vous tuer. (page 331) La vie était une histoire qui finissait toujours mal. (page 360)

MAFIA

 Il giorno del lupo — Carlo Lucarelli — Einaudi 08/2008 Lu en VO le troisième volet des aventures de Coliandro, le flic rigolo et gaffeur de Bologne. Des rafales de cazzo et de minchia, — Bitte et vit —, à chaque page alternent avec les rafales d'UZI ou celles du Beretta de Coliandro qui vide les chargeurs comme un grand émotif. La ragazza carina, Nikita alias Simona, lui sert de cerveau, le sien étant en mode alternatif et plus souvent sur Off que sur In. Il travaille aux Stup, mais sa mission principale consiste à approvisionner la cantine centrale en yoghourt. Poste frustrant pour un surintendant. Pour rendre service, il va se retrouver au milieu d'une guerre entre différentes branches de la mafia et trahi par des corrompus. L'action est ponctué par des interludes d'écoutes pas toujours légales ou des articles de l'auteur lui-même pour éclairer cette affaire fort embrouillé. Par miracle, Coliandro s'en sort bien, passe en même temps inspecteur, et des yogourt

Vacances à l'ombre !

 Rebelles de la nuit — Marc Villard — Le Mascaret 1987 Tramson, un éducateur de rues vire au vengeur même pas masqué, abandonnant Farida, sa copine et Céline, sa fille pour prendre des vacances à Fresnes. Pas trop malin et pas trop crédible. On aperçoit un Llama « Super Comanche » en 44, copie du S&W modèle 29, avec en prime, une bande ventilée empruntée au Python. Barbès ressemble beaucoup à l'Harlem de Chester Himes. Sympathique et amusant. Extraits : — Je t'avais dit : pas toucher la femme blanche, bédouin, bredouilla-t-elle. Les deux hommes, affolés par cette poitrine que révélait le vêtement entrouvert, avancèrent vers elle, les yeux exorbités. Alors, elle fit jaillir sous la lumière la grenade quadrillée. En trois bonds légers, elle parvint à la porte et dégoupilla l'engin de mort. Pétrifiés, Omar et Sonny Boy regardèrent rouler vers eux cette boule de pétanque infernale. L'explosion les happa dans son orbe et le café Hammadi devint une nostalgie. (page 78) Qu

Au delà de cette limite, votre ticket n'est plus valable

 Levine — Donald E. Westlake — Rivages/noir n°26 mai 1987 Six nouvelles comme six petites notes de musique pour décrire la vie d'Abe Levine, un flic hypocondriaque, obsédé par son rythme cardiaque et angoissé par l'idée de sa mort prochaine. Un cousinage apparent avec les flics du 87e district d'Ed McBain. Un trompe-l'œil, car l'accessoire policier n'est là que pour étudier l'homme face à la mort et à sa fin inéluctable. Ainsi les enquêtes restent ouvertes et les assassins courent toujours, car seul la mort importe. C'est analogue à un film à sketches avec la grande faucheuse en fil conducteur. Levine a peur de la mort, exècre la violence et souffre de son empathie avec les victimes. Son métier le rend donc malheureux et stressé, mais il est diabolique pour déchiffrer les suspects comme un bon bridgeur la main cachée. Westlake achèvera ses aventures vingt ans après ses débuts avec un brillant raccord et accordera le repos et la satisfaction du devoir acc

Nietzschéen

 Un loup chasse l'autre – Donald E. Westlake – Série noire n° 838 mai 1995 Un vrai bijou du maestro. Avec un héros minable et miro, sans expérience mais aussi sans indulgence. C'est l'homme du ressentiment. Il va rendre les coups, mettre les pendules à l'heure et obtenir sa revanche. Westlake est éblouissant, il croque la face cachée de l'Amérique de la liberté : syndicats bidons, policiers marron et presse à sensation. Il enchaîne les versions des mêmes faits avec des coupables différents. Il dessine avec finesse le self-made-man, l'arriviste aux dents longues, le libéral roublard qui incarne ce pays dynamique, efficient, sans morale et sans pitié. Cruel et drôle. Extraits : Walter haussa les sourcils : — L'a-t-on aidé à accomplir ce voyage ? — Oui, par l'organe d'une combinaison quaternaire d'ovoïdes métalliques à propulsion ultra-sonique. — Et ces dires dont la conjointe serait l'auteur ? — Il s'agit là d'une altération prévaricato

Enfoiré de Monoprix !

 Kebab Palace – Marc Villard – 10/2013 Polaroïd in8 Un titre qui claque, un oxymore graisseux et épicé. Un cours sur les cuites et le vomi sur fond d'Alsace enneigée. Et de chinoise assassinée. Subséquemment, Cécile et Lulu enquêtent et traquent. C'est sordide mais on sourit alors que ça va finir mal. Mais on ne va pas en faire un fromage. Douce France, doux pays de mon enfance... Extraits : Elle montre, de façon répétée, ses fesses au pharmacien car l'ordonnance de sa mère est périmée. Elle est très dévouée à sa génitrice. (page 9) — C'était bien les Alcooliques Anonymes ? — C'était une fausse adresse. Après, je suis allée au Monoprix pour acheter du saumon surgelé et deux mecs buvaient du Ricard pur dans un rayon. — C'est pas ta faute alors, dit Lulu. — C'est sûr. Enfoiré de Monoprix. (page 31)

Hé detta !

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 Gilles Zerlini — Épuration — Maurice Nadeau 02/2021    De bons produits peuvent se transformer en ragougnasse peu appétente avec un cuisinier mal inspiré ou maladroit. L'évocation des corses de Toulon au travers des deux guerres mondiales est un matériau de premier choix. Les bordels, avec leurs souteneurs et leurs rabatteurs furent aussi essentiels que l'arsenal, avec ses ouvriers dans l'économie de cette région. L'injustice sommaire de petits nervis en quête de réputation ou désireux de blanchir un passé trouble est la norme de l'été 1944. Mon tout fait un roman peu convainquant, peu émouvant et desservi par une langue laborieuse. Un drame médiocre pour un bouquin sans qualité. Sans compter l'utilisation d'une chimère armurière, « la crosse en bakélite de son Luger P38 » (page 103), coquecigrue courante mais vraiment affligeante. P38 Walther - plaquette plastique strié horizontalement P08 Luger - plaquette de crosse en noyer quadrillé   Extraits : [...] e

Cape et rapière de Tolède

 Le capitaine Alatriste — Arturo Pérez-Reverte – Points 03/2000   Le plaisir manifeste qu'a pris l'auteur pour écrire la geste d'un espagnol fier, triste et arrogant éclate à chaque page et rejailli sur le lecteur. Les accros aux romans de cape et d'épée en sont tout esbaudis. Les méchants sont particulièrement réussis. Ils sont aussi essentiels dans le genre que l'assaisonnement à une pièce bien rôtie.

Savage Night

 Nuit de fureur — Jim Thompon — Rivage/noir Avr 1992 Le dernier contrat d'un sicaire tubard, retors et alcoolique. Manipulateur et manipulé, dans une Amérique hypocrite, obsédée par l'argent et le sexe. Le polar virera au cauchemar. Puis au fantastique avec la traversée du tueur, des neuf cercles de l'enfer avec son double féminin, démon difforme et découpeur. Une œuvre sombre et dérangeante, mais une œuvre majeure du grand Jim Thompson. Extrait : Il y avait quelque chose de triste, dans cette ville, quelque chose qui me faisait penser à ces hommes chauves qui se ramènent sur le dessus du crâne les cheveux qu'il leur reste aux tempes. (page 10)

Arrah, Patsy, mind the baby

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 Stalky & Cie – Rudyard Kipling – Le livre de poche 1961 N° 750 Lu à la fin des années soixante alors que j'étais un misérable fag d'un bahut de province. J'ai beaucoup ri et beaucoup appris. J'ai pris aussi le goût des citations latines, des proverbes abscons et des auteurs de la perfide Albion. J'ai découvert que Browning n'était pas qu'un bon inventeur d'automatique et que l'anglais pouvait juger pire que le meurtre le tir au fusil contre le renard. J'ai observé que la guérilla devait emprunter ses armes à l'ennemi pour les retourner contre lui. J'ai regretté que les institutions aient dressé des générations à justifier l'injustifiable. Mais Stalky reste et restera mon Kipling préféré et un chef-d'œuvre mésestimé. Aujourd'hui la mode est a déboulonner les statues, mais faut-il mettre à l'index un livre parce son auteur a chanté la gloire du colonialisme et envoyé son fils bigleux à l'abattoir? Extraits : “But

Célibataires de tous les pays, réjouissez-vous !

Emmanuel Adely – Agar Agar – Stock 03/1999 Hagard, hagard, ce court texte te laissera Le tango lent, halluciné d'un couple las Perdu dans un ailleurs brûlant et étranger Cabossé, usé, abusé par la routine Dont l'enfant sans joie est le produit du pêché Rejeton traité comme une boite de sardine. Les histoires d'amour finissent mal en général La terre les engloutira, c'est original. Extrait : Elle dit tu nous rends malheureux et souligne le nous et entraîne l'enfant en disant qu'elle rentre à Paris ou qu'elle va se coucher et lui avec, l'empêche ainsi de l'embrasser parce qu'il est triste, le pauvre tu le rends triste, c'est petit de ta part de lui faire subir notre mésentente parce que c'est lui qui va devenir fou, ou elle l'oblige à venir m'embrasser, le lui ordonne, dit va embrasser ton père d'un ton qui ne supporte pas de réplique, et ainsi le dégoûte et il m'embrasse vite. (page 67) Elle est arrivée tout heureuse cette

Les Sissies sont ici

Thomas Savage  –  Le Pouvoir du chien  –  10/18 Fév 2004 Encore un livre désagréable, plein de malveillance et de ressentiment. Aucun personnage sympathique. Une alcoolique froussarde. Un homme bon avec un « b » comme dans coccinelle. Un homme intelligent qui ferait passer Himmler pour un mec plaisant. Et un garçon qui a, de la médecine, une vue analogue à celle de Mengele pour rester dans la même époque. C'est un livre sur la chiennerie. Un trait de caractère d'humain, aucun médor n'en est pourvu. Évidemment, il m'a donné furieusement envie de lire un autre Savage, en particulier « I Heard My Sister Speak My Name ». Encore un bravo pour la brillante postface d'Annie Proulx. Extrait : Peu d'êtres humains, pensa-t-il, comprennent beaucoup de choses ; et les femmes encore moins que les autres. (page 287)

Well... nobody's perfect!

 Jonathan Latimer — Gardénia rouge — Rivages/Noir 03/1986 ISBN 9782869300040 La dernière et une des meilleures aventures de Bill Crane, un brillant privé qui démêle les fils d'une intrigue bien embrouillée. C'est aussi un alcoolique. Well... nobody's perfect! Il est accompagné par une blonde somptueuse et astucieuse qui joue le rôle de son épouse car l'enquête dans un milieu prétentieux et snob impose la discrétion. Le troisième larron, Doc Williams, jouera le chauffeur avant de démontrer ses talents au revolver. C'est le premier hard-boiled classique où une femme fatale est en même temps détective. Les morts sont empoisonnés au monoxyde de carbone, meurtre, accident ou suicide ? Bill attendra la dernière page du roman pour révéler la vérité au lecteur médusé par son talent et ses méthodes. Édité en anglais en 1939, ce polar plein d'humour sera publié en France grâce à François Guérif, d'abord chez Red Label, puis chez Rivages (n°3 1986) dans une très bonne

Assurance viatique

 Même les scélérats... — Laurence Block — Points Sept 1998 Un honnête roman policier où Matt Scudder mènera à bien trois enquêtes et confondra trois assassins. Écrit à une époque où le Sida était sans remède, il m'a fait découvrir un mécanisme d'assurances particulièrement obscène. Le viager est connu de tous, un pari sur la mort prochaine de son prochain, la tontine est plus discrète et plus rigolote et vous place en même temps en situation de victime et de vautour, mais l'assurance viatique est le nec plus ultra de la malfaisance. Il s'agit de racheter l'assurance vie de personnes en phase terminale et d'espérer, bien sûr, que le malade ne joue pas à l'arapède. Pratique courante en Amérique du Nord, elle a produit ses effets délétères aussi bien chez les spéculateurs que chez les assurés ordinaires. Encore un produit terrifiant du libéralisme financier. Extrait : Le petit bout d'après-midi qui me restait ne me permis pas de faire grand-chose. Je ne réu