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Affichage des articles associés au libellé Chronique littéraire

Marathon pour Baraton

 Mon tour de France des bois et forêts – Alain Baraton – Stock 05/2022 Une randonnée au pas de course des forêts françaises. On retrouve le ton des chroniques de l'auteur sur France Inter : un mélange d'anecdotes amusantes, de précisions historiques et culturelles, et le témoignage de son affection et son admiration du règne végétal. Il nous fait ressentir que les forêts sont bien plus qu'une ressource économique et écologique, un lieu de beauté pour communier avec la nature. Et sa gestion ne peut se concevoir que sur le temps long sur plusieurs générations. Sa bonne humeur est communicative et même si son optimisme sur l'avenir de la forêt des Landes a été pris en contre cet été, ce moment de lecture est aussi plaisant qu'instructif. Extraits : La forêt des Landes a tant souffert des flammes que les hommes chargés de son entretien ont pris soin, depuis, de planter les pins dans un alignement impeccable, favorisant ainsi leur exploitation. De longues et larges piste

Ne jetez pas la pierre

 N'exagérons rien ! — Donald E. Westlake — Super noire n° 101 Mai 1978 Un excellent moment de lecture avec le numéro 101 de l'éphémère série super noire. Un polar pour les amoureux du septième art. Une bouffée de nostalgie pour les années 70. Carey Thorpe, critique de cinéma, assassin occasionnel et addict au Valium, se révèle être un redoutable détective. Un livre aussi plein d'humour que de cadavres et garanti 100% sans morale. Mais avec une mise en garde, mise en vers par Brassens : « sur les femmes de flics, ne jetez pas votre dévolu, cette faute de goût, ne la commettez plus ! » Extrait : Patricia Staples n'était pas du tout désagréable à regarder mais, bonté divine, quelle pénitence que de l'écouter ! De taille et de poids moyens, des cheveux blonds soyeux, de grands yeux bleus innocents, des lèvres roses et un nez droit, elle avait l'air d'une fille sur un paquet de flocons d'avoine ou sur une couverture de Liberty Magazine de 1943, et rien qu'

Pas d'innocents

 Ted LEWIS — Get Carter — Rivages/noir 04/2022 Un polar anglais de 1970. Jack Carter, un affranchi quitte Londres pour une ville ouvrière du nord qui l'a vu naître et où son frère aîné et pas aimé vient de mourir. Une mort suspecte pour qui sait lire entre les lignes et qui reconnait les signes de la corruption policière. Un polar très sombre qui dépeint une humanité pleine de ressentiment, de bêtise et d'avidité. Pas d'innocents, que des méchants. Pas de rédemption, mais beaucoup d'exécutions. Un authentique chef d'œuvre adapté deux fois au cinéma avec Michael Caine d'abord et plus récemment avec l'inénarrable Stallone. Extrait : — Eh oui, les choses changent. Pas assez vite à mon goût. Mais un jour, tout cela aura disparu. Et, grâce au ciel, les gens pourront élever leurs enfants dans des conditions décentes. Un jour, ils auront envie de rester chez eux au lieu de traîner dans la rue. — Vous croyez toujours que ce qui viendra à la place sera mieux. — Oh, m

Quinze ans après

 Le sang nouveau est arrivé — Patrick Declerck — Folio 10/2007 Ayant écouté Declerck pérorer sur Nietzsche fin septembre sur France cul, j'ai fait l'emplette de quatre livres du sus-dit. J'ai commencé par le plus fin. Pas déçu. Ça remue. Et rien ne s'améliore quinze ans après. Au contraire, la machine à broyer le hors norme tourne de plus en plus vite. Avec la même langue de bois : c'est leur choix ! Le SDF choisit l'hypothermie, le migrant la noyade et le chômeur le suicide. Mais c'est la rançon de la société du progrès. Le libéral reste droit dans ses bottes. Extrait : Et derrière nos bienveillantes démocraties, se cache, mutique, mais vigilante, une totalitaire obligation : Citoyen sera productif ou, lentement, et passivement, et sans bruit, mis à mort. Que l’on ne s’y trompe pas. La souffrance des pauvres et des fous est organisée, mise en scène, et nécessaire. L’ordre social est à ce prix. (page 106)  Quel contrat social ? Où est-il ce parchemin de m

Kafka en Sicile

 Taormine — Yves Ravey — Édition de Minuit 09/2022 Ravey nous régale d'une virée de touristes, un couple en décomposition avancée, qui espère que le romantisme des paysages siciliens permettra une métamorphose. Ces cloportes vont être exaucés. Dans le vieux sud méditerranéen, la magie affleure toujours. Pour avoir pris la vie d'un migrant, ils seront eux-même transformés en migrants. C'est cruel et drôle, comme toujours avec Ravey. La déception des babélieux qui pensaient lire un récit de voyage, avec amour et violon est aussi très drôle.

Hisse et haut

 Pavillon noir — Rafael Sabatini — Phébus 1994 Une somptueuse histoire de pirates dans les caraïbes avec Sir Henry Morgan en guest star. Le héros est français, gentilhomme huguenot. Il est beau, et aussi habile à l'épée qu'a imaginer des stratagèmes pour tromper l'ennemi. L'héroïne est anglaise, riche et belle à faire tourner les cœurs les plus endurcis. Le barbon est le major Sands, aussi sot et fat qu'il convient pour ce rôle. Le méchant est féroce, sournois et libidineux. La lutte sera superbe et nous tremblerons pendant plus de deux cent pages. Et c'est le seul défaut de ce formidable roman d'aventures : un peu trop court à mon gout.  Extrait : Un nuage assombrissait son visage faunesque, luisant de convoitise. Ses petits yeux bridés étaient soucieux. Sa lèvre, à l'endroit où ses dents l'avaient mordue, saignait et une gouttelette rouge était tombée dans sa barbe noire et broussailleuse. (page 131)

Les lendemains qui déchantent...

 Les derniers jours des fauves — Jérôme Leroy — La Manufacture de livres 03/2022 Décapant, sanglant mais hilarant. Macron avec une jupette. Vous récolterez ce que vous avez semé. La réalité se voit mieux avec une loupe, Leroy en braque une grosse sur notre société aussi déboussolé qu'à bout de souffle. Nous vivons les lendemains qui déchantent. Et ça va pas s'arranger ! Extrait : Elle reverra ça plus tard, avec sa plume, une fille brillante, une énarque, mais une énarque qui a fait trois ans de grec ancien à Oxford, ce qui lui évite de parsemer sa prose d'« impacter », de « focus » et de « problématique », comme le fait le moindre sous-préfet qui se sent obligé de parler comme un commercial aliéné.( page 172)

Petite fin d'un monde

 Vider les lieux – Olivier Rolin – Gallimard la blanche 02/2022 ISBN 9782072844997 Rolin, vieux, – il est de 1946 –, est sommé de vider les lieux, d'un entresol de la rue de l'Odéon. 7 000 livres, plus de 2 tonnes à emballer. L'occasion de pondre un livre pour pourfendre le requin de l'immobilier et les héritiers voraces responsables de ce déménagement forcé. Et d'évoquer quelques souvenirs littéraires et de voyages. Si l'on aime les livres, on aime les bibliothèques et on aime les livres sur les bibliothèques. Un bémol, il la ramène un peu avec ses maitresses, ses amis prestigieux, et son passage rue d'Ulm. Choses humaines, bien trop humaines. Extrait : Les vieux, catégorie à laquelle j'ai le regret d'appartenir, se font vacciner. Lorsque mon tour est arrivé, j'ai été partagé entre la vanité d'être nettement plus ingambe que mes compagnons de piqûre, et l'humiliation de faire partie, néanmoins, de cet âge d'égrotants. (page 150)

Économie et culture d'une île

 Le racisme en Corse — Marie Peretti-Ndiaye — Albiana 03/2014 Excellent travail universitaire qui contredit toutes les idées habituelles ou historiques sur l'évolution de la société corse en ce début de siècle. Et il met en évidence l'importance du fait économique sur cette île. La fascination pour un passé largement fantasmé et l'obsession culturelle ne doit pas faire l'impasse sur la construction d'une économie pour ce territoire et pour un avenir, — inquiétant —, à construire. Extrait : Car si, comme le souligne un universitaire insulaire, aujourd'hui, on ne dira plus de quelqu'un : c'est un pied-noir ou un fils de pieds-noirs , la catégorie et les représentations qui lui sont attachées ont fait l'objet d'une transmission à la fois efficace et sélective. Efficace, car les « pieds-noirs » constituent une image de la domination qui explique — et légitime parfois — la naissance de la contestation autonomiste puis nationaliste ; sélective, car ell

Rien ne va plus !

 Sombre complice — Jim Nisbet – Rivages/noir 10/2005 Sombre polar. Banerjhee est un époux attentionné, un père responsable, un chimiste exceptionnel, un employé loyal et un citoyen respectueux des lois. Las, les financiers libéraux l'expulseront de son job et la poisse au cul verdâtre le mènera au mauvais endroit, là où les frontières entre flics et voyous sont bien trop flous. Les jeux sont faits. Rien ne va plus. Un livre plein de nostalgie et d'ironie sur une société absurde et dure qui nous pousse vers la dernière sortie. Extrait : Garder rancune, c'est comme laisser vivre quelqu'un dans sa tête gratos, sans loyer à payer. Panneau vu au bord de la route à Ogeden, Caroline du Nord. (page 11)

Tuer n'est pas jouer

Planque à Luna-Park – Richard Stark   Série noire n° 1472 18/02/1972 Slayground en VO. Jeu de mot avec Playground (terrain de jeu), et slay (tuer). Un Parker sans bavure, sans rayure qui tire un trait sur les crevures qui prétendaient le doubler. Le scénario habituel. Après un braquage réussi et une fuite loupée, – un complice trop fébrile –, Parker se trouve coincé dans un parc d'attraction, fermé au public mais pas aux malfaisants qui veulent voler le magot. Parker fera tourner les manèges pour brouiller les pistes et la galerie des glaces révélera sa maîtrise de la réflexion. Les malfrats qui croyaient chasser une proie apeurée, vont découvrir un prédateur calculateur et sans pitié. Moralité : « Touchez pas au grisbi ! » Extrait : S'adossant au mur à côté de la fenêtre, il observait le portail. Le gibier n'allait pas tarder à devenir chasseur. (page 167)

Livre à ne pas lire, «Guerre», du collaborateur nauséabond

 C'est le brouillon d'un pamphlet haineux et raciste, dans une édition bâclée, faussée volontairement, qui ne présente qu'un intérêt historique et donc pour les chercheurs et les étudiants. Accessoirement engraisser les héritiers, – pas par le sang certes, mais ils ont bien hérité de la turpitude du collabo antisémite –, est une faute morale évidente. Pour en savoir plus : https://www.en-attendant-nadeau.fr/2022/05/05/guerre-lire-celine/

Le marionnettiste

 ou l'autobiographie d'un tueur Patrick Raynal Noires racines 10/1999 — Édition du Masque Le parcours d'un jeune, beau et intelligent, manipulateur et séduisant, — toute ressemblance avec un candidat aux élections prochaines est forcément fortuite —, qui bascule du côté obscur de la force. Un polar politique qui met le focus sur la fâcheuse tendance des foyers Sonacotra à finir incendiés. Et une étude brillante et glaçante sur la perversité du pouvoir, toujours établi par le mensonge et la violence. Un polar qui fait écho à celui de Lucarelli et Camilleri avec des fonctionnaires de police corrompus et fascistes. En 1965, Tixier culminait à 5%, aujourd'hui le score de l'extrême droite flirte avec celui d'Hitler en 1932. Extraits : Il se marre sans comprendre. Encore un qui appris l'humour dans les colonnes d' U Ribombu . (page 24) Je suis devenu le spécialiste des coups tordus en tout genre, une sorte de génie en la matière puisque jamais personne ne me r

Les petits pois sont rouges !

 Meurtre aux poissons rouges — Camilleri & Lucarelli — Fleuve noir Nov 2011 traduit par Serge Quadruppani titre original : Acqua in bocca Le sage montre la lune et l'imbécile regarde le doigt. Ainsi les critiques babelioteux, fascinés par les poissons rouges et les seins de Betta, sont restés aveugles à l'essentiel, la dénonciation de la collusion de la mafia et du pouvoir. Stratégie qui empoisonne l'Italie depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Et qui éclaire l'impunité des nervis fascistes et l'emprise de la pieuvre sur la société transalpine.

Altiplano

 Cheminer avec Mario Rigoni Stern — édition rue d'Ulm 09/2021 Fan de Mario depuis cinquante ans, je ne pouvais pas louper la proposition de Seron. Et ce livre de photos et de souvenirs est particulièrement réussi. Le sergent est encore parmi nous pour cette randonnée sur le haut plateau, avec ses paysages somptueux et ses valeurs communautaires toujours vives. Pour combien de temps encore ? Extrait : Aux premiers jours de la campagne de France, tandis que les chasseurs alpins italiens descendent des sommets pour « prendre » la Savoie, le jeune Mario, à la recherche de quelque nourriture, entre dans une maison dont les habitants ont fui. Elle a déjà été pillée. La porte a été enfoncée, les pauvres biens volés ou éparpillés sur le sol, les meubles mis sens dessus dessous. Pour la première fois, à 18 ans, il prend conscience que ces petites gens de la montagne qui ont dû fuir — comme les siens en 1916 — vivaient exactement comme leurs semblables du versant italien, à quelques kilomètr

Les postiches ne sont pas des potiches

 Une joie féroce — Sorj Chalandon — GRASSET 08/19 Un casse, place Vendôme, par quatre folles en chimio. Un os, la plus belle petite fille du monde est une photo volée sur le net. Les belles histoires sont des arnaques. Mais elles donnent la volonté de s'en sortir, de réussir. Même si le crabe ne relâche pas tous ses otages. Un polar dur et féministe qui mérite bien ses quatre étoiles. Extrait : — Les voyous arabes ou corses vont nous manquer, tu vas voir. Ils n'étaient pas comme les crapules qui arrivent de l'Est. Ils nous la faisait à la régulière. — Des Français, quoi, avait répondu l'autre en terminant son verre. (page 142)

Ouverture de Chakras

 Le dieu des obstacles – Brina Svit – Arlea 01/21 Une écrivaine slovène et parisienne s'est vu refuser son dernier roman. Son dos se bloque. Avant que de céder aux obsédés du scalpel, elle part au Kerala, la Mecque de l'ayurvéda. Nous sommes le deux mars deux mille vingt et s'épanouissent les premiers signes et les premiers masques de la Covid. Des similitudes avec Yoga, écriture, pratiques orientales, retour sur soi et impact de la grande histoire commune sur la petite histoire personnelle. Des différences, homme et femme, ego boursouflé et modestie assumée. Quelques jolis portraits, reflets de la manie photographique de l'auteure. Une écriture plaisante, grammaticalement parfaite et à l'intonation étrange et étrangère des polyglottes. Un fin sans apocalypse, qui comme la vie même, nous laisse avec plus de questions que de réponses mais avec le sixième chakra entrouvert. Nani Brina ! Extraits : Elle lève les yeux dans la direction de Divya, assise sur mon lit, et s

Walking on the wrong side of his shoes, good bye Simone...

 Walk on the wild side — Nelson Algren — FSG 1956 Critique sur Babelio de blandine5674 : Comment arriver à être quelqu'un, à faire de l'argent alors que Dove ne sait pas lire et vient d'un milieu pauvre ? Nous sommes en 1930 au Texas. Un beau matin, il part de chez lui. Ses pas l'emmèneront en Louisane après bien des déboires, des magouilles et des rencontres. Alcool, bordel, trafic, prison. Beaucoup de personnages au début, des situations pas toujours faciles à comprendre, des dialogues amusants. Un bon roman détente dans le contexte de l'Amérique de l'époque. Ça me troue le cul que l'on puisse qualifier Walking on the wild side de bon roman détente avec des dialogues amusants. Sans savoir qui était Algren, à qui était dédicacé le livre et en en ignorant en même temps Lou Reed et Edward Dmytrick. Je ne pensais pas qu'on puisse marcher à côté de ses pompes à ce point. Ça plane pour moi est sans doute la ritournelle de fond des marcheurs triple zéro de no

La retraite du braqueur

Road dogs – Elmore Leonard – Rivages/thriller 08/2010 Un Leonard un peu mou du genou, malgré une technique magnifique et une mécanique bien rodée. Foley sympathisant avec un marielito aussi méchant que macho ne m'a qu'à moitié convaincu.  Karen Sisco ne fait pas son come-back et Megan, l'avocate surdouée disparait après son premier tour de piste. Mais la finale est crépitante, farfelu, saignante et rigolote. Et la morale est presque sauve, l'aube se dissipe et l'héritage dispense de braquage et permet une retraite confortable. Extraits : Les « mecs-les-vrais » commençaient à se liguer contre elle, ils raisonnaient encore avec leur mentalité de détenus, leur système de solidarité et leur fierté de mecs : ils étaient plus forts que les filles — une vérité à prendre dans son acceptation habituelle — donc c'était eux qui commandaient, et celui qui commande à toujours raison. Depuis le début elle avait craint qu'ils ne tombent dans ce schéma-là, elle espérait que

Démons sur la baie des anges

 Après les chiens — Michèle Pedinielli — Édition de l'aube 2019 Polar sur Nice. Une ville pas si gentille. Une ville semblable à Vichy, avec un passé plaqué or d'émigrés chics et un présent paupérisé avec des migrants choqués. Ville phare, ville leurre, ville d'échouage, d'Anglais aristocratiques et de Russes blancs au passé clinquant des années vingt puis d'Africains basanés à l'avenir troublé dès les années soixante. Ville séduite par des nervis aux doigts crochus et fascinée par le faste en toc d'une extrême droite chatoyante à la couleur caméléon. Une gastronomie véganisée, socca et salade niçoise du terroir, caviardant la porchetta et renvoyant la bella poutina aux limbes préhistoriques. Une privée, ex-alcoolo toujours toxico, virevoltant sur sa Vespa et sur les réseaux sociaux. Une enquête sur un SDF d'Érythrée ayant échappé à la noyade mais pas à la bastonnade. Comme chez Tarentino, le noir cause teuton et les coupables sont des agités du bocal ob