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A big too short

 Le camion du froid — Guy Konopnicki — EdenFiction Fév 2003 Un fait divers qui glace le sang, cinquante-huit chinois morts de froid sont découverts à Douvres en juin 2000. L'auteur s'empare de cette nouvelle pour un très court récit plein d'humour noir, où il met en scène les retrouvailles d'un retraité des services britanniques avec un espion chinois septuagénaire rescapé de la tragédie. C'est drôle et cruel. Les vérités officielles variables ayant placé les deux agents tantôt comme alliés, tantôt comme ennemis. Un seul défaut la brièveté de la nouvelle, soixante-deux petites pages. Une rapide recherche sur le Web démontre que cette horreur est malheureusement fréquente : soixante et onze morts en Autriche en 2015, trente-neufs vietnamiens mort en Angleterre en 2019, cinquante-trois au Texas en 2022. Les bienfaits du doux commerce...   Extrait : Les filles constituaient un excellent moyen de financer le voyage. Plutôt que de les tuer en bas âge, pratique très répan

Mercenaires et légendes

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Sidi  —  Arturo Perez-Reverte — 05/2023 Ma première critique stipendiée. Et réglée d'avance par le présent du dernier roman de Perez-Reverte. Ce qui donne une similitude avec Sidi, se battant bien sûr pour l'honneur et la cause, mais aussi pour le butin. Le portrait de ce mercenaire honnête et tortueux, calculateur et courageux, cynique et ombrageux est plus convainquant que son flamboyant double cornélien. J'ai aimé la peinture de cette Espagne bigarrée et guerrière dont la richesse ne repose pas dans ses terres arides et poussiéreuses, mais bien dans ses hommes orgueilleux et opiniâtres. J'ai aimé cette leçon de philosophie qui montre que la vie est d'autant plus intense et savoureuse quand la mort n'est, ni crainte, ni niée. J'ai moins aimé les Moabites trop vite sortis des rangs de DAESH et Rachida trop libre pour ne pas sentir plus l'anachronisme que le musc. En conclusion, un bon roman d'un bon artisan qui affermira encore la légende du Cid au

Marathon pour Baraton

 Mon tour de France des bois et forêts – Alain Baraton – Stock 05/2022 Une randonnée au pas de course des forêts françaises. On retrouve le ton des chroniques de l'auteur sur France Inter : un mélange d'anecdotes amusantes, de précisions historiques et culturelles, et le témoignage de son affection et son admiration du règne végétal. Il nous fait ressentir que les forêts sont bien plus qu'une ressource économique et écologique, un lieu de beauté pour communier avec la nature. Et sa gestion ne peut se concevoir que sur le temps long sur plusieurs générations. Sa bonne humeur est communicative et même si son optimisme sur l'avenir de la forêt des Landes a été pris en contre cet été, ce moment de lecture est aussi plaisant qu'instructif. Extraits : La forêt des Landes a tant souffert des flammes que les hommes chargés de son entretien ont pris soin, depuis, de planter les pins dans un alignement impeccable, favorisant ainsi leur exploitation. De longues et larges piste

Ne jetez pas la pierre

 N'exagérons rien ! — Donald E. Westlake — Super noire n° 101 Mai 1978 Un excellent moment de lecture avec le numéro 101 de l'éphémère série super noire. Un polar pour les amoureux du septième art. Une bouffée de nostalgie pour les années 70. Carey Thorpe, critique de cinéma, assassin occasionnel et addict au Valium, se révèle être un redoutable détective. Un livre aussi plein d'humour que de cadavres et garanti 100% sans morale. Mais avec une mise en garde, mise en vers par Brassens : « sur les femmes de flics, ne jetez pas votre dévolu, cette faute de goût, ne la commettez plus ! » Extrait : Patricia Staples n'était pas du tout désagréable à regarder mais, bonté divine, quelle pénitence que de l'écouter ! De taille et de poids moyens, des cheveux blonds soyeux, de grands yeux bleus innocents, des lèvres roses et un nez droit, elle avait l'air d'une fille sur un paquet de flocons d'avoine ou sur une couverture de Liberty Magazine de 1943, et rien qu'

Pas d'innocents

 Ted LEWIS — Get Carter — Rivages/noir 04/2022 Un polar anglais de 1970. Jack Carter, un affranchi quitte Londres pour une ville ouvrière du nord qui l'a vu naître et où son frère aîné et pas aimé vient de mourir. Une mort suspecte pour qui sait lire entre les lignes et qui reconnait les signes de la corruption policière. Un polar très sombre qui dépeint une humanité pleine de ressentiment, de bêtise et d'avidité. Pas d'innocents, que des méchants. Pas de rédemption, mais beaucoup d'exécutions. Un authentique chef d'œuvre adapté deux fois au cinéma avec Michael Caine d'abord et plus récemment avec l'inénarrable Stallone. Extrait : — Eh oui, les choses changent. Pas assez vite à mon goût. Mais un jour, tout cela aura disparu. Et, grâce au ciel, les gens pourront élever leurs enfants dans des conditions décentes. Un jour, ils auront envie de rester chez eux au lieu de traîner dans la rue. — Vous croyez toujours que ce qui viendra à la place sera mieux. — Oh, m

Quinze ans après

 Le sang nouveau est arrivé — Patrick Declerck — Folio 10/2007 Ayant écouté Declerck pérorer sur Nietzsche fin septembre sur France cul, j'ai fait l'emplette de quatre livres du sus-dit. J'ai commencé par le plus fin. Pas déçu. Ça remue. Et rien ne s'améliore quinze ans après. Au contraire, la machine à broyer le hors norme tourne de plus en plus vite. Avec la même langue de bois : c'est leur choix ! Le SDF choisit l'hypothermie, le migrant la noyade et le chômeur le suicide. Mais c'est la rançon de la société du progrès. Le libéral reste droit dans ses bottes. Extrait : Et derrière nos bienveillantes démocraties, se cache, mutique, mais vigilante, une totalitaire obligation : Citoyen sera productif ou, lentement, et passivement, et sans bruit, mis à mort. Que l’on ne s’y trompe pas. La souffrance des pauvres et des fous est organisée, mise en scène, et nécessaire. L’ordre social est à ce prix. (page 106)  Quel contrat social ? Où est-il ce parchemin de m

Kafka en Sicile

 Taormine — Yves Ravey — Édition de Minuit 09/2022 Ravey nous régale d'une virée de touristes, un couple en décomposition avancée, qui espère que le romantisme des paysages siciliens permettra une métamorphose. Ces cloportes vont être exaucés. Dans le vieux sud méditerranéen, la magie affleure toujours. Pour avoir pris la vie d'un migrant, ils seront eux-même transformés en migrants. C'est cruel et drôle, comme toujours avec Ravey. La déception des babélieux qui pensaient lire un récit de voyage, avec amour et violon est aussi très drôle.