Lethal injection

 Injection mortelle – Jim Nisbet – Rivages noir - Jan 1991



La mortelle randonnée du bon docteur Royce, le virtuose de la seringue. Qui débute par l'exécution par injection d'un noir innocent dans une prison du Texas. Et qui se poursuit par la quête d'une impossible rédemption d'un alcoolique dans le milieu des criminels morphinomanes. Tuant. À vous dégouter de la peine de mort et des paradis artificiels. Un Nisbet au sommet de son art, qui manie la plume comme un scalpel pour mettre en pleine lumière les troubles désirs profonds de la bête humaine. Un Nisbet pétri de culture française qui dégaine à propos, Jean Genet dans le miracle de la rose. Une lecture d'actualité aussi, quand Trump profite de ses derniers instants de pouvoir pour multiplier les exécutions. Dernier mémo, les tests ADN ont innocentés 174 condamnés à mort depuis l'an 2000.


Extraits :

Pourquoi s'en faire maintenant ?
“Donne-leur une juste compréhension d'eux-mêmes, et de tes promesses ; qu'ils ne placent, en foi de ta merci, de ta seule merci, leur confiance qu'en toi seul...
À cause du nez congestionné du prêtre, on entendit “merci” comme “merdzy”. Pendant un bref instant, Bobby, qui connaissait un peu de français, eut le cerveau qui faillit protester en passant à la vitesse supérieure à cause de son goût délibéré des jeux de mots : l'à-peu-près était évident et il fut tenté de convertir “merdzy” en “merdes-y”, tacitement d'accord avec cette image de la vie, un labyrinthe merdeux et confus, avant de reporter son attention sur l'ironie du sens qu'impliquait la phrase tout entière, “une juste compréhension d'eux-mêmes, et de tes promesses”. (page 6 et 7)

Le prêtre surprit l'expression du prisonnier par-dessus ses petites lunettes carrées aux verres sans monture, perchées au sommet de son nez rouge et douloureux. Il eut un froncement de sourcils.
—  “Soulage ceux qui sont en détresse...” déclama, ou plutôt lut, le prêtre, car il n'était jamais allé dans une cellule du Couloir de la Mort, avant ou depuis la réintroduction par le Texas de la peine de mort. De toute manière, il était visiblement trop déconcerté pour se reposer sur sa mémoire, ce qui était tout aussi bien, car aux paroles du prêtre, Bobby haussa un sourcil. Aucune quantité de Valium n'allait soulager la
détresse de Bobby Mencken, et il demanda combien on lui en avait donné ; mais alors, une réflexion supplémentaire fit naître sur son visage un sourire sinistre qui lui creusa les traits. Il était né noir, athlétique, pansexuel, à moitié cinglé, beau gosse, loyal, illogique, jouisseur, intelligent, ambitieux et impatient, terrifié et fauché. (pages 8 et 9)

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Deux siècles de rhétorique réactionnaire - Alfred Otto Hirschman

Derrick au poing – Plus de sang que de pétrole et pas de pactole.

La table du roi Salomon - Luis Mantero Manglano