Au sommet de son art

 Dernière communication à la société proustienne de Barcelone – Mathias Enard – Inculte 09/2016


Vers libres et bouts rimés, entrecoupés d'espagnol, d'arabe et même de cyrillique, du serbe peut-être, pour voyager vers le sud, vers la méditerranée, l'orient, la Russie et la Pologne. Une poésie facile à lire, qui s'inspire des classiques, et qui emmêle géographie, souvenirs et réminiscences littéraires. Un kaléidoscope d'émotions et de couleurs, d'odeurs et de mélancolie. Une belle préface d'Olivier Rolin qui met en évidence le talent de Mathias.

 

Extraits :

Ballade du bar Marsella

Ma fée verte à moi c'est ton cul
Les anciennes folies perdues
Les recoins les moins arpentés
Les rêves les moins fréquentés
Les substances troubles qui réparent
Mais t'allument en moi comme un phare
Tout ce qui que quand on fume
La nuit se constelle d'amertume.

L'opium qu'on avale en Iran
Dans des pipes pas en bruyère
Je te vois si belle en tirant
Sur le bambou imaginaire
Même si tu n'existes pas
Ton nom bruisse déjà sous mes pas
Alors que perdu dans ma brume
La nuit se constelle d'amertume.

Désolée l'absolue caresse
Intoxiquée suave et douceâtre
Je rêve que ta main ferme presse
Tout près de moi au bord de l'âtre
Le piston lançant dans ma veine
L'explosion froide qui m'entraîne
Dans le fossé où le chien hume,
La nuit se constelle d'amertume.

Tes mots maladroits et tes mains
Tous ces corbeaux qui me dépècent
Avides de l'alcool de demain
Ils tournent avec moi dans la pièce
À la seule lumière que j'allume
Ne m'apparaissent que tes bras nus
Ils m'éclaboussent d'un cri ténu
La nuit se constelle d'amertume.

Oh tu ne feras pas grand-chose
Tu me tiendras proche si tu oses
la nuit déborde d'étoiles fines
Il flotte un doux parfum d'agrumes
Dieu souffle sur sa cocaïne
La nuit se constelle d'amertume.

(pages 100-101)

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Deux siècles de rhétorique réactionnaire - Alfred Otto Hirschman

Derrick au poing – Plus de sang que de pétrole et pas de pactole.

La table du roi Salomon - Luis Mantero Manglano