Ah, ça ira, ça ira, ça ira

Le Petit-Bourgeois gentilhomme – Alain Accardo – Agone

 

Recension difficile, nous sommes tous des Emma Bovary !
Une explication marxisante et déprimante de l'atonie politique de nos concitoyens. Une population mononeuroné par une école visant uniquement à l'adaptation aux postes de travail et des médias tout à leur traque de moments de cerveaux disponibles pour Coca. Des politiques impuissants, réduits à exalter le culte de Mammon et de la confusion, des guerres sans mort, de l'écologie sans effort, des muscles sans sport, de la religion sans tchador et de la merde inodore.
Et le veau d'or est toujours debout !
Les classes moyennes sont les harkis des aristocrates de la finance triomphante. Ils entrainent les classes laborieuses chères à Marchais dans l'aliénation, la fausse conscience sans en être conscient eux-mêmes : « Tels des chevaux logés tout au fond de la mine, ils tirent aveuglément leurs wagonnets, sans autre souci que leur picotin. » Picoté par leur mauvaise conscience, ils commandent à Amazon, mangent des pizza uberisées et en même temps donnent aux resto du cœur. De Charybde en Scylla, pitoyables et piteux. L'imposture suprême est le réformisme, pas d'amis chez les socialistes, tous des DSK ou des Duhamel. Amender le capitalisme est aussi utopique que de chercher un philosémite dans la SS. Le capitalisme en satisfaisant notre pulsion du toujours plus nous fait basculer du côté obscur de la force. Il nous faudra donc réaliser en même temps une révolution contre nous-mêmes et contre le système.
Nom de dieu, c'est pas gagné mais vive Bourdieu !

 

Extraits :

 On se souvient de la fameuse formule qui résumait naguère le credo du capitalisme américain : « Ce qui est bon pour General Motors est bon pour les États-Unis. » Avec la mondialisation économique, ce slogan pourrait se formuler : « Ce qui est bon pour les multinationales est bon pour la planète. » Et en France comme ailleurs les responsables politiques partagent cette conviction que, hors de l’économie libérale, il n’est point de salut pour l’humanité.

En dehors de quelques rares îlots vestigiaux de pensée critique, situés essentiellement dans une presse écrite condamnée à la marginalité, le champ des médias, sous l’emprise irrésistible de l’audiovisuel et de sa logique commerciale, est devenu une immense et ubuesque machine à décerveler, à fabriquer de l’agenouillement et du consensus.

 À cet égard, on ne peut que déplorer l’insigne faiblesse de nos populations en matière de culture sociologique, y compris dans nos classes moyennes, dont l’élévation du niveau d’instruction scolaire n’a guère amélioré le magma filandreux de philosophie sociale qui leur sert traditionnellement à penser les rapports sociaux.

Bien entendu, tel gouvernement plus ouvertement réactionnaire peut abandonner, dans les faits, toute ambition de démocratisation scolaire, voire favoriser les enfants maîtrisant déjà les codes scolaires, mais aucun ne commettrait l’erreur, politiquement mortelle, de proposer crûment une politique de ségrégation scolaire explicitement destinée à empêcher les classes populaires de bénéficier largement de la promotion sociale par la réussite scolaire, qui est toujours, dans le principe, un des objectifs officiels de l’École républicaine et démocratique, objectif d’ailleurs atteint dans les proportions bien connues du pâté de cheval et d’alouette.

 D’ailleurs à quoi servirait-il de perdre du temps à réfléchir à ce qu’on doit faire, ou éviter de faire, dans telle ou telle circonstance, quand les critères de l’action « bonne » sont si évidents : est louable l’action qui réussit ; l’échec seul est condamnable. La morale de la modernité est une éthique entrepreneuriale qui se résume à une triple règle aussi catégorique que l’impératif kantien ; quoi qu’on entreprenne il faut : a) réussir ; b) dans le plus court terme ; c) au moindre coût. Celles et ceux qui (de moins en moins nombreux) demeurent réfractaires, ou qui hésitent seulement à adopter ce pragmatisme sans scrupule, se voient immédiatement taxés d’« archaïsme » et d’arriération idéologique, marginalisés, condamnés à l’exil intérieur.

Au fond, pour le capitalisme, la meilleure population, la plus réceptive, la plus docile et la plus enthousiaste, serait une population complètement atomisée et infantilisée d’adolescents perpétuels dont les liens de solidarité seraient réduits à des échanges groupusculaires, fusionnels et festifs, une population de consommateurs effrénés, dont les membres n’auraient plus rien en commun que le projet de jouir ensemble, de « s’éclater » indéfiniment, prisonniers béats d’un sybaritisme invertébré, c’est-à-dire d’un style de vie moralement anomique, où l’atrophie de la dimension éthique serait compensée par l’hypertrophie de la dimension esthétique, où le but de la vie serait de « se faire du bien » à défaut de faire le bien.

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