De Gaulle — Jullian Jackson

 Gros pavé de près de mille pages. Mais couvrir quatre-vingts années d'histoire de France et du Général, contraint à des choix et à des raccourcis. Jackson dissèque et donc déconstruit le mythe. Mais cette biographie à charge gomme en même temps les aspects triviaux de la saga gaullienne. Pasqua évaporé, les barbouzes à peine mentionnées, et de Gaulle exonéré de la disparition de Darlan au prétexte que le BCRA manquait de moyens en Algérie. Si je déconseillerai ce livre pour une première approche de cette période, il n'en reste pas moins une compilation bien documentée. La facette du Général, en homme de culture et de lettres est si bien évoquée, que beaucoup de ses successeurs apparaissent comme de rudes béotiens. Enfin la part du mystère de Gaulle qui lui permit de penser contre son milieu et son habitus reste intact.

 

Pour une vrai recension :  https://lvsl.fr/de-gaulle-entre-memoire-et-espoir-a-propos-de-la-biographie-de-julian-jackson/

 

Extraits :

 Après avoir diné avec de Gaulle le 8 décembre, Alexandre Cadogan note dans son journal : « Le seul remède que propose de Gaulle est de “se débarrasser de Darlan”.
Je lui dis : “Oui, mais comment ?” Pas de réponse.»
La réponse arrive d'elle-même à la veille de Noël 1942, quand un jeune royaliste, Ferdinand Bonnier de la Chapelle, pénètre dans le bureau de Darlan et l'abat de deux balles. Le meurtrier est exécuté, avec une hâte suspecte, le surlendemain. Alger est un tel nid de conspirateurs que nous ne saurons jamais avec certitude qui a fomenté cet assassinat. Tout le monde avait un mobile : les Américains, qui voulaient se débarrasser d'un personnage embarrassant ; de Gaulle, d'un obstacle ; Giraud, d'un rival. Ce qui rend peu probable la responsabilité de De Gaulle, c'est que le BCRA n'a aucun agent à Alger. De Gaulle souhaitait peut-être éliminer Darlan mais il n'en avait pas les moyens.

Le seul journaliste français à l'accompagner dans le Pacifique, Jean Mauriac, le plus jeune fils de François, le découvre à ses dépens un soir où, surexcité, il tente de convaincre de Gaulle de monter sur le pont pour admirer une spectaculaire pleine lune. « Foutez-moi la paix avec votre lune, Mauriac », lui répond le Général. Yvonne de Gaulle n'a pas plus de succès lors d'un trajet en en avion en Afrique. Elle agrippe son mari par la manche pour lui montrer un troupeau d'éléphants. De Gaulle, irrité, lève les yeux de son livre pendant une minute, murmure doucement « Laissez, Yvonne, laissez » et se replonge dans Lord Jim, de Conrad. Le Général n'était décidément pas un touriste. (page 484)

Jacques Chaban-Delmas, devient ministre de la Défense nationale du gouvernement gaillard que Debré dénonce chaque semaine en des termes de plus en plus violents. De Gaulle a fait une fois remarquer avec ironie que Chaban-Delmas, qui a occupé plusieurs postes ministériels, « a fait la traversée du désert mais par les oasis ». (page 496)v

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